samedi 23 avril 2016

L’insoutenable confusion des partis

Excellent article qui pointe l'absence totale de responsabilité des partis mais, au delà, le danger que représente pour le pays la loi électorale prévue par la Constitution.
Aucune politique sérieuse ne pourra être suivie dans ces conditions et le pays ne peut que péricliter.
Quant à la "solution" que serait l’alliance électorale et de pouvoir entre Nidaa et Ennahdha, c'est la catastrophe annoncée avec une nouvelle dictature, un blocage de l'alternance démocratique et une régression assurée.
Jean Pierre Ryf
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Que des partis politiques soient en crise, passe encore. Mais que leur crise déborde sur les institutions et grippe le fonctionnement des instances de la République, cela devient pour le moins problématique.
Napoléon Bonaparte disait qu’un État fait la politique de sa géographie. J’ajouterais qu’on fait aussi la politique de ses partis.

Résumons. Les partis politiques sont la pierre angulaire du système en Tunisie. Ils occupent le Parlement et certains d’entre eux accaparent le gouvernement. Il n’est guère de domaine de la vie publique qui n’obéisse à la segmentation tribale des partis. À telle enseigne qu’on assiste sous nos cieux à l’irruption de la partitocratie, qu’on croyait l’apanage des seuls Italiens.
Ces derniers temps, les partis végètent plutôt qu’ils n’animent la vie politique. Et ils semblent tous logés à la même enseigne. Ceux de la coalition gouvernementale autant que les partis intermédiaires ou ceux de l’opposition. Une certaine lassitude pointe. Une désaffection du politique aussi.
La coalition gouvernementale n’en est plus une. Elle est tiraillée. Outre la scission brutale de Nida Tounès en deux formations distinctes et par moments antagoniques, Ennahdha est aux prises avec les démons des divisions internes. Cela est on ne peut plus évident à la veille de son prochain congrès.

Les deux autres partis de la coalition au pouvoir ne sont guère mieux lotis. Ils ont l’impression qu’Ennahdha et Nidaa Tounès se soucient d’eux comme d’une guigne. L’UPL et Afek Tounès font savoir qu’ils refusent d’officier comme simple alibi. Ou cache-misère. Et ils le disent ouvertement.
On parle même de l’éventualité de l’abandon pur et simple de la coalition quadripartite au profit d’une alliance stratégique Nidaa Tounès-Ennahdha. Celle-ci pourrait même être à la fois gouvernementale et électorale pour les prochaines échéances. En tout état de cause, Afek Tounès multiplie les critiques sur les dérapages gouvernementaux, tout en faisant encore partie du cabinet gouvernemental. L’UPL, lui, est à la recherche de nouvelles alliances voire fusions partisanes, notamment avec Al Moubadara, dit-on.

Côté opposition, on tâtonne. D’abord, il y a confusion au niveau du who’s who. On ne sait plus vraiment qui est l’opposition dans son ensemble. Au lendemain de l’avènement du gouvernement Habib Essid, il y a eu une véritable passe d’armes entre le Front populaire et le Bloc social pour la présidence de la commission parlementaire des Finances. Une commission dont la présidence est dévolue constitutionnellement à l’opposition. On a joué alors des coudes et des hanches pour représenter l’opposition. Puis, tout s’est effrité. Des partis de mouvances diverses se coalisent dans des alliances circonstancielles et ad hoc. Puis plus rien.
L’opposition est, elle aussi, fantasque sinon inconsistante. La scène politique tangue tel un bateau ivre. Les protagonistes campent des postures floues ou qui chavirent au gré des humeurs.

Que des partis politiques soient en crise, passe encore. Mais que leur crise déborde sur les institutions et grippe le fonctionnement des instances de la République, cela devient pour le moins problématique.

Finalement, c’est tout le système qui est en cause. L’édifice institutionnel en vigueur est comme la plus belle fille au monde qui ne peut donner que ce qu’elle a. Il a été conçu pour présider aux constructions précaires sur fond d’équilibres catastrophiques. Certains en ont profité. Mais la confusion des sentiments n’est guère payante au bout du compte.


Et puis, ici comme ailleurs, ce qui commence dans l’équivoque finit dans la compromission.

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