samedi 27 juin 2015

A propos du terrorisme islamiste ...

 « La superstition est à la religion ce que l’astrologie est à l’astronomie, 
la fille très folle d’une mère très sage ».
Voltaire 

 « Le fanatisme est la seule forme de volonté qui puisse être insufflée 
aux faibles et aux timides ».
Nietzsche
 
Benjamin Massieu
Historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, 
de l'histoire militaire de la France libre et de la Libération.


Pour comprendre les attentats de janvier 2015

Pourquoi cet attentat contre Charlie Hebdo ?

À l’origine se trouve l’affaire des caricatures de Mahomet qui remonte à 2006 :
Le 2 novembre 2004, le réalisateur néerlandais Théo Van Gogh est sauvagement assassiné par un islamiste pour avoir réalisé un court-métrage intitulé Submission.
Plusieurs mois après, le journaliste danois Kåre Bluitgen, auteur d’une biographie de Mahomet, explique publiquement qu’il ne trouve pas d’illustrateur pour son ouvrage car tous craignent pour leur vie depuis l’assassinat de Van Gogh.

En réponse, en septembre 2005, le quotidien danois Jylland Posten réagit et publie 12 caricatures de Mahomet.
Des islamistes danois le poursuivent en justice mais sont déboutés. Ils décident alors d’envoyer des imams au Moyen-Orient sensibiliser les gouvernements et les populations contre ce journal grâce à des dossiers mensongers. Le rédacteur en chef et les dessinateurs du Jylland Posten reçoivent de multiples menaces de mort.
Par solidarité, le 1er février 2006, France Soir publie ces caricatures. Charlie Hebdo fait de même une semaine plus tard, avec en couverture un fameux dessin de Cabu titré « Mahomet débordé par les intégristes » et montrant celui-ci pleurant en disant « C’est dur d’être aimé par des cons ». À l’époque, le journal est victime d’accusations d’islamophobie et de racisme qui sont foncièrement grotesques : les auteurs de Charlie étaient des anti-racistes convaincus et défendaient le droit de pouvoir se moquer de tout et de tout le monde. La justice donne raison à Charlie Hebdo.

En 2011, l’hebdomadaire publie un nouveau numéro intitulé Charia Hebdo en réponse à la victoire des islamistes aux élections tunisiennes. Les locaux du journal sont alors incendiés au cocktail Molotov.
Les membres de la rédaction étaient sous haute surveillance car perpétuellement menacés. Ils n’avaient pourtant jamais renoncé à leur liberté d’expression et continuaient de brocarder tous les fanatismes, comme tous ceux dont les mots et le comportement sont risibles d’une manière générale.
L’épilogue, nous le connaissons malheureusement…

Islamistes et musulmans

Face à de tels événements, il est évident qu’il y a un risque de renforcer les discours et actes xénophobes. Il est donc indispensable de rappeler certaines notions de base.

Les musulmans appartiennent à une religion qui s’appelle l’Islam. « Islam » signifie « soumission », la soumission à un dieu unique. Leur croyance peut se résumer à leur profession de foi : « Il n’y a de Dieu qu’Allah et Mohammed est son prophète ».

Les islamistes sont ceux qui détournent cette religion à des fins politiques (notion expliquée plus loin).

Ne mélangeons pas les deux, comme nous ne mélangeons pas les autres religions et leurs fanatiques.
Comme l’écrivait Voltaire : « La superstition est à la religion ce que l’astrologie est à l’astronomie, la fille très folle d’une mère très sage ».

Rappelons qu’à l’heure actuelle, la majorité des victimes des islamistes dans le monde sont des musulmans. Cela peut paraître évident mais nous avons un peu trop tendance à l’oublier. En témoignent, parmi les morts de ces attentats, le policier Ahmed Merabet et le correcteur de Charlie Hebdo Mustapha Ourad, ou encore parmi les militaires lâchement abattus par Merah : Imad Ibn-Ziaten et Mohamed Legouad.
Tous musulmans ou d’origine musulmane.

Origines et principes de l’Islam

L’Islam est l’une des trois principales religions monothéistes avec le judaïsme et le christianisme. Les musulmans croient dans le même dieu que juifs et chrétiens et qu’ils nomment Allah. Les musulmans croient en Abraham (Ibrahim) le premier des croyants, en Moïse (Moussa), David (Daoud), Salomon (Soleyman). Ils croient aussi en Jésus (Isà), le Messie conçu par le souffle divin et né de la Vierge Marie (Maryam). 

La différence avec les chrétiens c’est qu’ils ne le voient pas comme « Dieu fait homme » ou son fils mais comme un prophète (ce qui était la vision originelle des premiers chrétiens, la nature divine du Christ n’ayant été décrétée qu’au moment du concile de Nicée en 325). Ils réfutent sa résurrection et pensent qu’il est « simplement » mort en martyre sur la croix. Comme pour les chrétiens, son retour sur terre annoncera la fin des temps et le Jugement dernier.

Cette mauvaise interprétation du message divin par les juifs, puis par les chrétiens, cette déformation, aurait conduit Allah à s’adresser à un nouvel et dernier prophète : Mohammed. Le message d’Allah à Mohammed a été transmis par l’ange Gabriel (Jibril), le même qui avait annoncé à Marie sa grossesse. Gabriel a récité la parole divine à Mohammed qui devait ensuite la transmettre aux hommes. « Coran » signifie « récitation » en arabe.

Mohammed, qui était un marchand caravanier et avait eu sa révélation en allant méditer dans une grotte, dans la montagne, a ensuite prêché ce nouveau monothéisme à La Mecque, grand carrefour commercial mais aussi grand centre religieux pour les arabes polythéistes qui venaient y vénérer les idoles présentes dans la Ka’ba

Les Mecquois, qui faisaient un juteux commerce des pèlerinages vers les idoles polythéistes, décidèrent de chasser Mohammed et ses adeptes de la Mecque en 622. C’est le début de l’Hégire, le calendrier musulman.
Mohammed s’installe alors à Médine où il forme la première communauté de musulmans. Il devient le chef politique, militaire et religieux de cette communauté, l’oumma.

En 630, il retourne à la Mecque, chasse les polythéistes et brûle les idoles. Il n’épargne qu’une « Vierge à l’enfant » qui se trouvait là… Il meurt à Médine en 632, après avoir conquis un immense empire.
À sa mort, les califes (khalifa signifie « successeur » en arabe) poursuivent l’extension de « l’empire musulman ». Ils font ce que l’on appelle le jihad, c’est-à-dire « l’effort » pour répandre la parole divine à travers le monde et repousser l’agression de ceux qui condamnent leurs croyances. 

Le Coran considère quatre types de jihad : par le cœur, par la main, par la langue et par l’épée. Le jihad intérieur est le principal : un combat contre soi-même pour devenir un homme meilleur. 

En quelques décennies, ils conquièrent un immense empire qui s’étend de la Chine aux Pyrénées. En fait de conquêtes, ils sont souvent accueillis à bras ouverts par les populations jusqu’ici soumises avec violence par les Byzantins. La tradition musulmane interdit la violence contre les juifs et les chrétiens qui sont appelés « peuples du Livre ». Si ceux-ci sont fidèles et vertueux, tout comme les musulmans vertueux, ils « n’auront rien à craindre et ne seront point affligés » (Coran 2 :38).
Les non musulmans sont ainsi libres de pratiquer leur religion en dâr al-islâm (le « domaine de l’islam »)
pourvu qu’ils respectent les lieux de culte musulmans et payent un impôt spécial.

D’après les textes sacrés de l’islam, la guerre, le fait de tuer, est contraire au message d’Allah :
- « Celui qui a tué un homme qui n’a commis aucune violence sur terre, ni tué, c’est comme s’il tuait tous les hommes. Celui qui sauve un seul innocent, c’est comme s’il avait sauvé l’humanité toute entière » (5 :32)
- « Si Allah l’avait voulu, il aurait fait de vous une communauté unique. Toutefois il ne l’a pas fait, afin de vous éprouver en ce qu’il vous a donné. Devancez-vous donc mutuellement dans les bonnes actions. Vous retournerez tous vers Allah et il vous éclairera sur le sens de vos différences » (5 :48) 

D’une manière générale, le droit musulman condamne la guerre (harb). L’exception du jihad (« la guerre sainte ») ne vaut que pour rétablir la paix, repousser l’agression. On peut ainsi lire dans le Coran : « Combattez dans le chemin de Dieu ceux qui vous combattent, mais n’agressez point. Dieu n’aime pas les agresseurs ». 

Même lorsque le combat est légitime, le Coran interdit la « guerre préventive » et disproportionnée : « Si vous châtiez, châtiez de la même façon que vous avez été châtiés. Mais certes, si vous êtes patients, ce sera un bien pour ceux qui auront été patients. » 

Or, ce sont souvent ces sourates qui sont tronquées pour faire croire à des appels au meurtre. Dans le Coran, comme dans la Bible, certains passages (comme dans le Deutéronome), non remis dans le contexte, peuvent apparaître comme d’une violence extrême.

Enfin, il est important de faire un distinguo : les musulmans ne sont pas des Arabes. 
L’islam est une religion, les Arabes sont un peuple. 

Ainsi les Turcs, les Iraniens (Persans), les Indonésiens, les Berbères, ne sont pas des Arabes mais ils sont majoritairement musulmans. L’Indonésie est aujourd’hui le plus grand pays musulman. De même, il existe des Arabes chrétiens. De ces différents peuples qui vénèrent Allah et le prophète Mohammed sont nés ses différents noms : « Muhammad » est devenu « Mehmet » en turc (qui a influencé la traduction française en Mahomet), « Mamadou » en Afrique noire, Mahmoud, etc.

Il existe de multiples courants parmi les musulmans. Les principaux sont les sunnites et les chiites. 
Sans s’attarder sur les origines de ce schisme apparu dès 632 sur la question de la succession de Mahomet, disons qu’aujourd’hui ils ont une conception de l’organisation de la société très différente : les sunnites voient l’imam comme un pasteur, tandis que les chiites le considèrent comme un guide indispensable et descendant de la famille de Mahomet. L’imam chiite est réputé « infaillible dans son interprétation du Coran ». Les chiites ont un clergé mais pas les sunnites. Pour les chiites, l’autorité religieuse doit être séparée de l’autorité politique exécutive, pas forcément pour les sunnites. Les sunnites sont ceux qui suivent la sunna (récit de la vie de Mahomet), c’est-à-dire qu’ils tentent d’imiter les vertus du Prophète au quotidien. Les sunnites pensent l’histoire prédéterminée. Les chiites croient en la liberté individuelle.

Il existe d’autres courants comme les alaouites (qui boivent de l’alcool et considèrent Ali comme l’incarnation de Dieu sur Terre), les kharidjites, les druzes (dont les rites sont secrets) ou encore le soufisme (un mysticisme qui prône le détachement des choses matérielles, la recherche de la vertu et de la sagesse).

Le Coran interdit-il de représenter Mahomet ?

Il y a trop souvent de nombreuses idées fausses sur cette question. Rien dans le Coran n’interdit de représenter Mahomet. Il s’agit là d’une tradition de ne pas représenter le prophète afin d’éviter l’idolâtrie.
Cette tradition de refuser les représentations si elles conduisent à l’idolâtrie existe également dans le judaïsme et le christianisme originel. C’est ce qu’on appelle l’« aniconisme ». 

Elle trouve son origine dans le troisième commandement du décalogue (lui-même conséquence de l’épisode du « veau d’or » lors de l’Exode des Hébreux après la fuite d’Egypte). Si les Juifs restent relativement fidèles à cette règle, les chrétiens l’ont vite abandonnée.

Cette tradition est loin de faire l’unanimité dans le monde musulman à travers les âges. Jusqu’au XVIe siècle, il était très courant de voir des représentations de Mahomet le visage découvert. Sa non représentation qui s’est généralisée au point de devenir une tradition repose sur certains hadiths c’est-à-dire propos de Mahomet et de ses compagnons (extérieurs au Coran) qui déconseillent de tenter d’imiter Dieu en reproduisant ses créations. Ceci s’applique donc à tous les êtres vivants et non spécifiquement à Mahomet. 

Les chiites rejettent bien souvent cette idée qui n’existe pas non plus chez certains Sunnites. 
Ainsi en Asie Mineure (chez les Turcs), en Iran ou encore Asie Centrale), de nombreuses représentations très anciennes en témoignent.

D’où vient l’islamisme ?

L’islamisme c’est-à-dire l’instrumentalisation politique de l’islam est né en Egypte en 1928 avec la naissance du mouvement des Frères musulmans. Le projet de son fondateur, l’instituteur Hassan Al Banna, était de combattre l’emprise occidentale sur les pays arabes autour de ce qui en rassemble les populations, à savoir leur identité religieuse.

Le monde musulman a vu se succéder de multiples empires millénaires pour finalement s’effondrer et se retrouver dominé en quelques décennies. Les premiers islamistes voient dans cette déchéance du monde musulman une conséquence de la « perte des valeurs » de leurs coreligionnaires.

L’islamisme est donc à l’origine un mouvement unificateur qui souhaite mettre en avant l’oumma (la communauté des croyants), en opposition aux nations (watan), considérées comme une source de divisions.
Cette idéologie est directement issue du « panislamisme », projet de l’empire ottoman visant à recréer un seul État musulman uni, comme au temps de Mahomet et des premiers califes, ainsi que du fondamentalisme wahhabite (qui cherchait à lutter contre l’expansion saoudienne). 

Il est le fruit de multiples réflexions de savants musulmans entamées au XIXe siècle au sujet de leur place dans un monde dominé par les Européens.

Les premiers islamistes ont lutté aussi bien contre les occidentaux que contre les dictatures post-coloniales et étaient pour cela extrêmement populaires. C’était donc un mouvement politique conservateur mais en aucun cas guerrier et fanatique.

L’accession aux indépendances et les organisations politiques régionales respectives qui en ont découlé, ont pourtant fragmenté le monde musulman. Dans les années 60, c’est le roi Fayçal d’Arabie qui a tenté de reprendre l’idéologie panislamique à son compte. Il devait alors faire face à un mouvement unificateur rival de par ses objectifs : le nationalisme arabe. 

Parmi les raisons de l’échec de ce projet d’unification figure notamment la défaite des États arabes face à Israël au moment de la guerre des Six Jours.

L’islamisme allait connaître un renouveau dans les années 70-80, un renouveau violent. La scission des Takfir d’avec les Frères Musulmans était une première étape. Ce mouvement considère ceux qui ne partagent pas ses idées comme des apostats donc des ennemis à éliminer. L’islamisme violent a connu son réel essor en Afghanistan, pays proche de l’URSS lors de la Guerre froide, face au Pakistan soutenu pour sa part par les USA.

En 1979, après l’assassinat du président afghan qui souhaitait prendre ses distances avec Moscou, le pays est envahi par l’URSS. Les USA décident à ce moment d’organiser des unités de musulmans de tous pays, armés par la CIA pour combattre l’URSS. C’est là qu’est né l’intégrisme jihadiste, forme fanatisée de l’islamisme.

Tous ces « moujahidins » revenus dans leurs pays respectifs à la fin de la guerre d'Afghanistan ont alors décidé de s’en prendre aux régimes en place et notamment en Algérie qui a connu une sanglante guerre civile entre 1991 et 2002. Il y a aussi eu la guerre en ex-Yougoslavie qui leur a permis de recruter de nouveaux adeptes et offert un nouveau théâtre d’opérations.

Ils se sont imaginés seuls responsables de la chute de l’URSS et se sont pour beaucoup convaincus que cela n’avait été possible que parce qu’ils avaient l’aide et le soutien d’Allah. Dans leur esprit n’a donc pas tardé à germer l’idée qu’ils pouvaient désormais abattre les USA pour imposer leur propre domination.

Le départ des soviétiques de l’Afghanistan avait laissé ce pays dans un état d’anarchie permettant ainsi la prise de pouvoir par les Talibans en 1996. L’Afghanistan est alors devenu le sanctuaire des intégristes, et notamment d’Al-Qaïda, l’organisation d’Oussama Ben Laden qui y disposait de camps d’entrainement pour mener à bien son projet de « califat mondial ». Les événements qui suivirent, notamment le 11 septembre, sont connus.

Les différentes interventions militaires occidentales de ces 15 dernières années dans ces pays (et surtout en Afghanistan) ont éclaté un système jihadiste très organisé et « relativement unifié » autour d’Al-Qaïda.
La fragilisation de la Syrie, puis de l’Irak, leur a permis de retrouver un nouvel élan et a relancé l’idée d’un Etat islamique, qui ne rassemblerait cette fois que les sunnites.

Nous assistons donc à un affrontement entre ces fanatiques et les occidentaux mais également un affrontement entre musulmans (entre les sunnites et les chiites) doublé d’un affrontement avec les sunnites modérés.

Le jhadisme a changé de visage, ses attentats aussi. Ce ne sont plus des grosses opérations très organisées et avec beaucoup de moyens comme le 11 septembre qui sont menées. Ce qui prévaut désormais ce sont des attaques beaucoup plus modestes, organisées par de petits groupes qui n’ont qu’à laisser « libre cours à leur imagination ». On recrute des « paumés » par internet et on leur donne une cause au nom de laquelle passer à l’action. Ils peuvent être formés ou financés en amont, mais les modalités du passage à l’acte restent relativement libres. Leur but est de multiplier les actions et de susciter une terreur permanente sur les populations occidentales. Celles-ci feront alors (du moins l’espèrent-ils) pression sur leurs gouvernements pour que nos armées cessent de mener des opérations militaires contre eux (Daesh, c’est-à-dire le pseudo « Etat Islamique », patine sérieusement depuis cet été, notamment en raison des frappes de la coalition). Déclencher des attentats de par le monde est une tentative de desserrer l’étau qui existe aujourd’hui sur eux au Moyen Orient. Car malgré la poursuite des attentats, le jihadisme recule partout…

Cette fragmentation de la mouvance jihadiste suite aux interventions occidentales a abouti à la naissance de multiples organisations rivales qui s’affrontent (par exemple Daesh et Al Nosra aujourd’hui). Mais ces groupes sont aujourd’hui dans une stratégie de surenchère. C’est à celui qui fera le plus parler de lui. C’est une forme de « guerre de gangs » ou « mafieuse » pour simplifier, qui s’appuie sur la domination d’un territoire et son extension, sauf que celle-ci est d’une ampleur bien plus grande. Bien sûr, la plupart des islamistes ne sont que des « perdus » et leur récupération par un groupe ou par l’autre est souvent le fruit du hasard. Ils ne sont que les instruments de chefs bien plus ambitieux dont ils ignorent totalement les desseins (et souvent eux-mêmes financés par des États de la région pour déstabiliser les États rivaux). Manipulés, ils pensent que la seule personne qu’ils servent est Allah (et le prophète Mohammed bien sûr).

Pourquoi s’en prendre aux Juifs ?

Les actes antisémites ont augmenté de plus de 90% l’an dernier. Sans revenir en détails sur la haine du Juif à travers les âges et ses différents motifs, disons que le problème actuel est essentiellement le fruit d’une transposition du conflit israélo-palestinien qu’ils reprochent à tous les Juifs, où qu’ils soient dans le monde.

Le conflit israélo-palestinien est très complexe à expliquer. Pour faire simple, Jérusalem est la ville-sainte des trois monothéismes. La Palestine est revendiquée par les Juifs comme la « Terre sainte » promise par Dieu aux descendants d’Abraham. Or, les Juifs ont quitté la Palestine dans leur immense majorité après la destruction du Temple de Jérusalem par les Romains vers 70. Ils se sont dispersés à travers le bassin méditerranéen puis le monde. C’est ce qu’on appelle la « diaspora ».

L’Islam n’existait pas encore. Jérusalem est pourtant devenue une ville sainte pour les Musulmans car Mahomet y aurait fait un voyage nocturne puis une ascension. Il y aurait vu les principaux prophètes qui l’avaient précédé, dont Jésus.
La Syrie-Palestine est l’une des premières régions à passer sous le contrôle des musulmans immédiatement après la mort de Mahomet. Les Byzantins sont chassés avec le concours des populations opprimées par ceux-ci.

Pour les chrétiens, bien sûr, c’est là que se trouve le tombeau du Christ, d’où les Croisades.

Au XIXe siècle, face aux persécutions dont ils sont victimes de par le monde, de nombreux Juifs décident de retourner s’installer en Palestine et d’œuvrer à la fondation d’un État juif. C’est ce qu’on appelle le « sionisme » (qui est lui aussi sujet à de nombreuses dérives).
Ce projet de recréer un État-juif aboutit après la Seconde Guerre mondiale et suite à la Shoah, par la création d’Israël en 1948. Sur décision de l’ONU, cet État juif est instauré, sans consultation des populations musulmanes qui vivent sur place depuis des siècles, d’où plusieurs guerres qui aboutissent à l’extension du territoire israélien. Depuis, les Palestiniens musulmans se concentrent dans la bande de Gaza et la Cisjordanie.
Ce sont les combats entre l’armée israélienne (Tsahal) et les Palestiniens qui révoltent nombre de personnes en raison des victimes collatérales civiles.

Sans entrer dans un débat inextricable pour savoir qui a tort ou qui a raison, on peut résumer que c’est cette situation qui engendre cette haine des Juifs, partout dans le monde.

Certains de ces « défenseurs de la Palestine » pourraient se plaindre derrière leur écran qu’il n’y a pas autant de tapage médiatique sur les morts dans cette région du monde. Charlie Hebdo avait souvent dénoncé la situation à Gaza. Quiconque dénonce la terreur et les massacres dans une partie du monde, doit le faire partout ailleurs, et il existe encore nombre de conflits, partout dans le monde, qui se déroulent dans une indifférence générale.

Où s’arrête la liberté d’expression ?

Pendant des années, les pages de Charlie Hebdo ont été ornées de dessins raillant les fanatiques de tous bords.
Tous les dessinateurs n’étaient pas sur la même longueur d’onde qu’eux, mais aucun acte (et surtout pas celui de faire des dessins) ne justifie d’être assassiné !

La liberté d’expression est l’un des principes fondateurs de la République française. 

Ainsi, l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 proclame : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

De même, l’article 10 stipule que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses pourvu que leur manifestation ne trouble par l’ordre public établi par la loi ».

La France est un État de droit (c’est-à-dire basé sur les lois). Les lois peuvent être débattues et évoluer.
La liberté n’est pas illimitée. Elle est bornée par la loi afin de ne pas nuire à autrui.
Lorsqu’il faut trancher une situation, c’est le tribunal qui s’en charge. Le juge décide, selon le droit, si les limites (de la liberté d’expression par exemple) ont été franchies, de façon indépendante (sans céder aux pressions religieuses ou politiques). C’est pour cette raison que si quelqu’un, sous couvert de l’humour, lance des appels à la haine (à peine voilés), il peut être condamné voire interdit. Quelqu’un qui voudrait faire des blagues sur une ethnie ou une religion sans tomber dans le racisme ou la banalisation du meurtre en a tout à fait le droit. 

La France est un État laïque, c’est-à-dire refusant tout droit de cité à la religion dans les affaires de la société civile. La notion de blasphème n’existe plus depuis 1789. Le blasphème n’a de sens que pour ceux qui considèrent la religion dans leur espace de réflexion. Un non croyant a tout à fait le droit de blasphémer. Son action n’engage que sa personne. Si des propos ou un dessin ne sont pas condamnés par la justice, c’est qu’ils n’ont pas dépassé les limites de la liberté d’expression. Un croyant peut donc se sentir légitimement choqué voire blessé par des dessins autorisés mais rien ne l’oblige à regarder ces images.

La France et les attentats

Les attentats en France – et en particulier les attentats islamistes – ne sont pas nouveaux. Souvenons-nous de ceux de 1994-1995… Certes, depuis une vingtaine d’années, les attentats sont le fait d’islamistes. Dans les années 70-80, ils étaient le fait de l’ultragauche, dans les années 60 ils étaient le fait de l’OAS et du FLN, auparavant des anarchistes, etc.

À toutes les époques il y a des gens qui exploitent la détresse sociale pour en faire combattre d’autres pour leurs intérêts, et des gens assez faibles/fous pour y croire. Aujourd’hui c’est l’islam, hier c’était autre chose, demain, ce sera encore autre chose. Il faut comprendre que tout ceci n’est pas nouveau afin de ne pas céder à la panique.

Les terroristes actuels sont des jeunes perdus, ignorants, des esprits faibles et influençables. Il devient dès lors très facile pour un recruteur, « prédicateur, de leur « retourner la tête ». 

Cela passe par plusieurs étapes :
- Tout d’abord, ils font remarquer à ces jeunes la misère qui les entoure, qu’ils n’ont pas d’autre issue. À l’aide de vidéos notamment, ils montrent la misère et la souffrance dans d’autres pays musulmans en guerre. Dès lors naît chez ces jeunes une interrogation : « Vais-je rester ici à végéter ou donner un sens à ma vie en combattant pour ces musulmans qui souffrent et pour l’islam ? ». 
- Le basculement s’effectue ensuite à l’aide d’autres vidéos et discours dans lesquels il leur est dit que le Coran et les paroles du prophète appellent à ce combat, à tuer les mécréants, car la plupart d’entre eux n’ont aucune véritable connaissance de l’islam qui leur permette d’avoir du recul. Les multiples sites internet islamistes accentuent la radicalisation de ces individus qui vivent derrière un écran (12 à 15 heures par jour en moyenne selon la DGSI) et mettent du piment dans leurs vies fades par leurs activités clandestines. Une citation de Nietzsche résume tout ceci : « Le fanatisme est la seule forme de volonté qui puisse être insufflée aux faibles et aux timides ».
- La radicalisation peut aussi se faire – et c’est très souvent le cas – en prison. Entrés pour des délits plus ou moins importants, ils ressortent radicalisés car y fréquentent des « prédicateurs » qui savent retourner leur amertume. On touche ici à la problématique de savoir que faire de ces islamistes incarcérés. Les disperser dans les prisons et en faire des recruteurs qui retourneront facilement la tête de condamnés de droit commun ? Les regrouper et donc les mettre en contact entre eux, leur donner l’opportunité de préparer des actions à leur sortie ? Le débat est aujourd’hui ouvert pour trouver des solutions à ces questions.

La situation que nous vivons actuellement n’est pas nouvelle. Il y a un lien direct entre la vague d’attentats de 1994-1995 orchestrée par le GIA (Groupe islamique armé) algérien et les récents événements. Chérif Kouachi avait participé à la tentative d’évasion de Smaïn Ait Ali Belkacem, condamné à perpétuité pour l’attentat à la station RER Musée d’Orsay en octobre 1995. Autour d’eux gravitent des personnages comme Farid Benyettou, Peter Chérif ou encore Djamel Beghal, qui témoignent de ce lien.

Ce sont les mêmes que nous combattons aujourd’hui, notamment au Mali. En effet, suite à une scission au sein du GIA en 1998, est né le GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) qui en 2007 a pris le nom d’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) suite à son allégeance à l’organisation de Ben Laden. Un changement d’appellation ne doit pas nous aveugler sur une réalité qui reste la même. Frapper la France et ses valeurs reste encore l’un de leurs objectifs principaux, comme en 1994-1995, d’où l’intervention au Mali afin de les empêcher de prendre le contrôle de ce pays et de disposer d’une immense base arrière pour former des jihadistes et frapper ensuite les occidentaux.

Conclusion :

Quoi qu’il arrive, que l’on s’implique dans les affaires du monde ou non, nous serons toujours visés car nos valeurs (ici la liberté d’expression mais également la démocratie et les libertés dans leur ensemble et surtout la laïcité) ne leur conviennent pas, et parce qu’ils espèrent nous voir y renoncer par la terreur. Nous en avons eu un parfait exemple avec cette atteinte à la liberté d’expression. Trop souvent, nous avons suivi certains événements comme si tout cela n’était que de banales affaires de grand-banditisme. Aujourd’hui nous nous réveillons assommés à cause d’une mémoire un peu trop sélective et du sentiment que nous étions à l’abri de tout cela, que nous étions en paix. Les récents événements nous rappellent le prix de cette liberté dont nous jouissons sans en mesurer la valeur.


Être conscient de toutes ces réalités aidera chacun à les relativiser, à les considérer avec la gravité nécessaire sans pour autant tomber dans la psychose. L’important est qu’à la fin il y ait « plus de mal que de peur ». 
Dans le cas contraire, ce serait leur donner la victoire. 

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