mercredi 16 mai 2012

BOURGUIBA ET LA QUESTION PALESTINIENNE


Article paru dans : Kapitalis et Ifriqya Magazine


Après 64 ans de lutte pour reconquérir leur pays, les palestiniens sont réduits à quémander aux NU qu'ils reconnaissent leur Etat, déjà amputé en 1967 d'une grande partie de leur territoire et dont ils étaient prêts à négocier qu’Israël puisse l'amputer encore des colonies qu'il s'est approprié de fait contre l'avis des NU. 
C'est à dire un Etat ayant à peine 20 % du territoire que leur accordait initialement l'ONU en 1947 au moment de la création de l'état d'Israel.

Après son coup de force pour nationaliser le canal de Suez, Nasser est devenu le leader du monde arabe. Bourguiba en lutte pour libérer son pays de la colonisation française, lui a demandé d'appuyer sa demande d'indépendance auprès des NU et surtout auprès des américains, dont il était l'ami. 

Car les américains ont aidé à la dislocation des empires coloniaux particulièrement l'anglais et le français, pour devenir par la suite les "amis" des pays libérés; et étendre ainsi leur influence sur eux.

Quelle fut la réponse de Nasser à Bourguiba ? : " Qu'il attende que la question palestinienne soit résolue, puis ce sera le tour de la Tunisie ". Evidemment Bourguiba n'a pas attendu son tour. L'Histoire lui a donné raison.

Pris par son panarabisme, Nasser va cumuler les fautes. Dont celle de se fâcher avec les EU pour tomber dans les bras des soviétiques. Les EU ont compris qu'il leur fallait un autre allié fiable dans la région : ils vont tout miser sur Israël.

Nasser va séduire d'autres peuples avec son panarabisme dont Bourguiba ne voulait pas, en exportant par la même occasion son mouvement "Baathiste" en Irak, en Syrie.... 

Il ira par populisme, jusqu’à l’épuration de l’Egypte des étrangers pourtant bien intégrés (grecques, arméniens .... qui ont bâtit Alexandrie) et des juifs, reproduisant la bêtise faite par Isabelle la catholique en Espagne. Privant son pays de ses meilleurs éléments, persuadé que la société égyptienne doit être arabe et musulmane. Ce qui est absurde quand on sait que ce peuple a une grande composante nubienne et que le pays est le berceau du judaïsme et des premières communautés chrétiennes d’Afrique avec leurs plus vieux couvents du monde !
Populisme, que ne suivra évidemment pas Bourguiba. Les étrangers et les juifs qui ont quitté pour diverses raisons la Tunisie, le firent de leur plein gré.

Nous savons ce qu'était devenu le panarabisme nassériste depuis. 
Cela a donné : Saddam Hussein en Irak, Hafez el Assad puis Bachar El Assad en Syrie, Kaddhafi en Libye .... c'est à dire des dictateurs qui vont s'accaparer les richesses de leur pays qu’ils veulent transformer en République-monarchique.
Et là aussi nous mesurons la clairvoyance de Bourguiba de nous avoir préservés de ces illuminés ! 

Bourguiba était isolé dans le monde arabe dont il ne partageait pas la politique avec son meneur le Grand Timonier, le " Rais " Nasser. Il était ridiculisé, moqué, humilié....traité de traître aux « arabes ». Mais il a tenu bon. 
Et l'Histoire lui a donné raison.

Bourguiba en homme légaliste et réaliste, avait conseillé aux palestiniens d'accepter dans un premier temps ce que les NU leur proposaient, à savoir la reconnaissance d'un Etat Palestinien à coté de l'Etat Israélien, quitte à négocier par la suite le retour des réfugiés....Tout le monde arabe lui avait ri au nez. Pourtant l'Histoire là aussi lui a donné raison.
Puisque beaucoup de palestiniens, après l’échec de toutes les guerres et les différentes "intifadha" (sursaut), regrettent de n'avoir pas suivi le conseil de Bourguiba. Ils auraient économisé les pertes humaines, les souffrances qu'endure leur peuple depuis plus de 64 ans et les pertes territoriales, s'ils s'étaient montrés raisonnables. 

L'Histoire une fois de plus donne raison à Bourguiba, puisque les Palestiniens reviennent à la case "départ" pour quémander une reconnaissance par les NU, alors qu'elles voulaient les reconnaître en 1948.

Malheureusement, les Palestiniens vont devoir encore attendre que les équilibres géopolitiques changent pour que les EU ne bloquent plus par leur veto toutes les résolutions de l'ONU à l'encontre d’Israël.

Rachid Barnat

3 commentaires:

  1. Bourguiba visionnaire, a rejeté le pan arabisme comme il a rejeté le pan islamisme. Il a compris avant tout le monde que les pays, pour progresser, doivent se constituer en nation. C'est lui qui a unifié le pays en mettant tout en œuvre pour développer l'idée de nation chez les tunisiens.
    Pour cela il a neutralisé le tribalisme, le maraboutisme; développé les écoles républicaines sur tout le territoire pour neutraliser les écoles coraniques....
    Il a compris avant tout le monde la nécessité d'arrimer la Tunisie à l'Europe et non au monde arabe empêtré dans un retard endémique et dans ses complexes vis à vis de l'Occident.
    A nous de poursuivre son œuvre pour que la Tunisie reste leader du monde dit "arabo musulman", et ce dans tous les domaines !

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  2. UN DÉFENSEUR DE HÉRITAGE BOURGUIBIEN :
    M. Karim Ben Slimane, j’ai lu avec intérêt votre article intitulé, « Bourguiba et le péché originel du Tunisien ».
    Bien que vous vous qualifiez de « Spectateur rigolard de la vie politique tunisienne », votre analyse est très sérieuse et très argumentée. Elle se fonde sur une bonne connaissance du Bourguibisme.

    Vous avez parfaitement raison d’affirmer que « la politique tunisienne de l'après révolution se joue aussi sur le terrain de la mémoire et de l'histoire ». En effet, la bataille des idées est menée sur ce terrain. Elle a été engagée par les islamistes et les Yousséfistes au sein du CPR et aussi au sein des prétendues Ligues de la protection de la révolution. Cette bataille oppose non pas les islamistes et les Yousséfistes aux modernistes laïcs ; mais oppose les tenants d’une conception dogmatique d’une identité islamique et arabe de la Tunisie aux tenants d’une conception pragmatique d’une identité tunisienne multiple et contradictoire, qu’on appelle la Tunisianité Oui, vous avez raison, nous sommes déchirés au quotidien entre la modernité et la tradition, entre le saut dans la nouveauté et le souci de ne pas se couper de nos racines qui sont multiples et font notre tunisiannité. Sur ce point, vous avez raison aussi de souligner que ces déchirement et ses tiraillements ne sont pas pathogènes même s’ils sont anxiogènes: ces traits sont partie intégrante de notre identité. Ils nous donnent, comme vous l’écrivez très justement « cette impression à la fois dérangeante mais aussi excitante », de se dire que nous sommes différents des Saoudiens, des Qataris, des Marocains, etc. ; que nous sommes des Tunisiens. Ces traits nous caractérisent et marquent la personnalité tunisienne. De ce point de vue, Habib Bourguiba a été profondément tunisien, il était comme nous ; il incarnait en lui-même et dans ce qu’il entreprenait ces déchirures et ces tiraillements. Il a bâti un Etat et a construit une nation tunisienne, laquelle construction demeure fragile, surtout qu’elle est fragilisée par les islamistes. Vous concluez en écrivant : « Bourguiba n'est ni le Combattant Suprême ni le despote qu'on veut nous dépeindre. Il a été et restera l'incarnation la plus noble et la plus pure de l'amour qu'on n'eut jamais porté à la Tunisie ».

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  3. SUITE DU COMMENTAIRE AU-DESSUS :

    Si on peut discuter l’appellation « Combattant Suprême », on ne peut contester le fait que Bourguiba a été un grand patriote et un nationaliste tunisien ; un homme d’Etat de grande envergure et qui impressionnait les autres chefs d’Etat. On ne peut contester également le fait qu’il a été un grand bâtisseur et un constructeur qui a dû utiliser les matériaux à sa disposition et faire avec ce qu’il avait. On a toujours considéré que cet homme aurait pu parfaitement présider au destin de grandes nations en raison de sa carrure politique, de sa culture et de ses capacités politiques. Il fut un grand stratège politique qui a su se sortir des plus grandes difficultés, un homme d’Etat qui avait la science des rapports de force : tout devait procéder de cette réalité. Pour engager un combat, il fallait identifier exactement la nature de l’ennemi et analyser les rapports de force car ce sont ces rapports qui dictent l’issue de la bataille. Cette science des rapports de force, il l’a appliquée sur le plan intérieur où il a du batailler contre les conservatismes et les traditionalistes pour libérer les femmes tunisiennes et leur donner des droits qu’elle n’avait pas avant 1957. Pour cela, il a en effet manœuvré pour réduire l’influence des traditionalistes, en particulier en sachant ne pas aller trop loin dans les réformes et parfois d’esquisser un mouvement de manœuvre de retour en arrière pour désamorcer l’opposition des conservateurs.

    Cette science des rapports de force, il l’a appliqué également à la question palestinienne lorsqu’il a pris position en 1962, sauf erreur, pour le principe des deux Etats. Dans l’ambiance enflammée de l’époque du nassérisme et du nationalisme arabe (quand on voulait jeter les Juifs à la mer et détruire Israël), il estimait que les Palestiniens devaient accepter ce qu’il leur était proposé : un Etat à côté de l’Etat d’Israël. Il considérait que l’état des rapports des forces ne permettait pas de revendiquer autre chose. Il fut considéré comme un traître par Nasser, par les nationalistes arabes et même par les Yousséfistes. Sur ce point, comme sur bien d’autres, ’histoire lui donne aujourd’hui raison. Certes, Bourguiba était un personnage complexe, sans constance idéologique. Mais il était surtout un pragmatique et un redoutable tacticien qui savait opérer des attaques tout en sachant esquisser des manœuvres de repli pour ne pas trop effrayer l’adversaire. C’est donc moins l’absence de constance que l’absence de dogmatisme. Bourguiba était un réaliste qui savait jusqu’où il pouvait aller tout en ménageant un possible retour en arrière. Il savait louvoyer en face des obstacles en cherchant à atteindre des objectifs à moindre coût. C’est aussi cela la Tunisianité des Tunisiens dont Bourguiba était la parfaite l’incarnation.

    http://www.kapitalis.com/tribune/15253-bourguiba-et-le-peche-originel-du-tunisien.html

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